La formation continue, ce n’est pas n’importe quand !

La formation continue, ce n’est pas n’importe quand !

La formation continue des enseignants, dont personne ne conteste la nécessité, a connu une transformation importante avec la loi n°2019-791 pour une école de la confiance qui l’a fait passer d’une incitation (« chaque enseignant est encouragé à se former régulièrement ») à une obligation (« la formation continue est obligatoire pour chaque enseignant »). Elle a aussi un coût que la Cour des comptes, dans un référé rendu public le 03 juillet 2023, a estimé à 540 millions d’euros par an si la totalité des enseignants bénéficiaient de huit jours de formation annuels dont trois dispensés à distance.

Cette hypothèse est très loin de la réalité actuelle, les enseignants ayant bénéficié en moyenne en 2022 de deux jours de formation continue contre 7,4 pour les autres agents de catégorie A de la fonction publique. Elle est également très éloignée de la situation plus favorable existant avant le Covid puisque le nombre moyen de jours de formation continue par enseignant était de 3,2 en 2019. C’est donc une hypothèse très haute qui a été utilisée par la Cour des comptes pour réaliser son estimation, certainement pour anticiper le caractère désormais obligatoire de la formation continu

La formation continue des enseignants, dont personne ne conteste la nécessité, a connu une transformation importante avec la loi n°2019-791 pour une école de la confiance qui l’a fait passer d’une incitation (« chaque enseignant est encouragé à se former régulièrement ») à une obligation (« la formation continue est obligatoire pour chaque enseignant »). Elle a aussi un coût que la Cour des comptes, dans un référé rendu public le 03 juillet 2023, a estimé à 540 millions d’euros par an si la totalité des enseignants bénéficiaient de huit jours de formation annuels dont trois dispensés à distance.

Cette hypothèse est très loin de la réalité actuelle, les enseignants ayant bénéficié en moyenne en 2022 de deux jours de formation continue contre 7,4 pour les autres agents de catégorie A de la fonction publique. Elle est également très éloignée de la situation plus favorable existant avant le Covid puisque le nombre moyen de jours de formation continue par enseignant était de 3,2 en 2019. C’est donc une hypothèse très haute qui a été utilisée par la Cour des comptes pour réaliser son estimation, certainement pour anticiper le caractère désormais obligatoire de la formation continue.

Avec cette hypothèse nettement surévaluée par rapport à la situation réelle, le montant de la formation continue des enseignants représente moins de 1% du budget total de l’Education nationale. Une somme tout à fait supportable, que la Cour des comptes a néanmoins assimilé à un pognon de dingue qu’il fallait réduire. Pour montrer que cet objectif est atteignable, elle a fait savoir que si toute la formation continue avait lieu pendant les périodes de vacances scolaires, cela coûterait 332 millions d’euros par an, soit une économie de 38%. Elle a aussi recommandé d’explorer d’autres pistes.  

Cette recommandation a été suivie par Emmanuel Macron qui a annoncé le 24 juillet ouvrir « le chantier de l’amélioration de la formation des enseignants » en les formant « en dehors du temps de présence devant élèves et en leur faisant des réunions hors de ce temps là ». Dans la foulée, le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a fait savoir que l’objectif était de placer 50% des formations hors du temps de présence devant élèves dès la fin de cette année scolaire et d’atteindre 100% en septembre 2024. Depuis, de nombreux Rectorats ont publié des circulaires pour atteindre cet objectif.

Dans ces textes, les Recteurs sonnent la mobilisation générale et demandent à leurs cadres (DASEN, IA-IPR, IEN) de faire évoluer le modèle de formation continue. Pour ce faire, les principales pistes envisagées sont l’utilisation prioritaire des mercredis après-midi, la mise en place de formations sécables qui pourraient être dispensées par blocs de 2 heures le soir après la journée de travail, l’hybridation des formations afin de réduire la durée des déplacements et bien sûr le positionnement du maximum de formations pendant les petites vacances scolaires sans exclure pour autant d’utiliser les vacances d’été.

Ces propositions suscitent bien des inquiétudes parmi les professeurs qui sont nombreux à se   demander si leur hiérarchie a le droit de leur imposer des formations en dehors de leur temps de présence devant les élèves. Une interrogation tout à fait légitime à laquelle il est possible de répondre en s’appuyant sur le contenu des textes règlementaires en vigueur.

Deux cas de figure sont à distinguer :

      • D’abord, les formations qui se dérouleraient sur le temps des vacances scolaires. Elles sont possibles depuis le décret n°2019-935 qui a instauré une allocation de formation en faveur des enseignants qui « bénéficient » (sic) d’une action de formation professionnelle « lors des périodes de vacances des classes à l’initiative de l’autorité compétente ». Le montant de cette allocation, fixé à 20 euros brut par heure, ne peut dépasser 120 euros brut par jour. La formation imposée, logiquement considérée comme un travail en plus, est tout aussi logiquement rémunérée.

Mais cette possibilité de formation pendant les périodes de vacances scolaires est strictement encadrée : elle ne peut excéder cinq jours pour une année scolaire, l’autorité compétente doit informer les personnels dès le début de l’année des périodes de vacances concernées et la liste des actions de formation doit être présentée chaque année pour avis au comité social académique. Des obligations opposables, qui expliquent certainement le faible nombre de professeurs formés pendant les vacances scolaires : 2.261 pendant l’année 2021-2022 pour un total de 27.045 heures, soit en moyenne 12 heures par professeur convoqué.

      • Ensuite, les formations qui auraient lieu hors temps de présence devant élèves et hors périodes de vacances. Elles sont régies par le décret n°2007-1470 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l’Etat. Certes, il date un peu mais, après avoir subi quelques toilettages, notamment en 2022, il est toujours en vigueur. Dans son article 3, il stipule que « les actions de formation professionnelle peuvent être entreprises soit à l’initiative de l’administration, soit à celle du fonctionnaire ». La formation continue étant obligatoire depuis 2019, l’administration peut donc convoquer qui elle veut.

Le peut-elle quand elle veut ? L’article 7 laisse à penser que oui puisqu’il affirme que « les fonctionnaires peuvent être tenus, dans l’intérêt du service, de suivre des actions de formation continue ».

Cependant, l’article 9 de ce décret ajoute que lorsque la formation continue a pour but d’assurer l’adaptation de l’agent à l’évolution prévisible des métiers, qui est la catégorie dont relève beaucoup de formations proposées, les actions de formations « sont prises en compte dans son temps de service ». Elles peuvent éventuellement dépasser ce temps de service, mais « avec l’accord écrit de l’agent » et dans la limite de 50 heures par an. Il en est de même pour les actions en vue d’assurer le développement et l’acquisition de nouvelles qualifications, avec une limite annuelle fixée dans ce cas à 80 heures.

Ces textes règlementaires n’interdisent donc pas à l’administration de convoquer qui elle veut pour suivre une formation le mercredi après-midi ou en soirée. Mais lorsque la formation amène un professeur à dépasser ses horaires de service, elle nécessite d’obtenir de celui-ci son accord écrit.

Action & Démocratie rappelle donc avec fermeté qu’aucune action de formation continue ne peut être imposée en plus des horaires de service. Que la hiérarchie, mise sous pression par les injonctions d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal, essaie est une chose. Qu’elle soit fondée à le faire en est une autre. Nous avons des droits, ils n’ont pas vocation à être cosmétiques, ils ont vocation à être respectés. Chaque fois que cela sera nécessaire, nous ferons en sorte de le faire savoir…   

Lettre d’information n°68 – 18 avril 2023

Lettre d’information n°68 – 18 avril 2023

Supprimer des heures de cours pour élever le niveau :

la “transformation du collège”, ça commence mal !

Le 21 janvier dernier, le Directeur général de l’enseignement scolaire a demandé aux recteurs et directeurs académiques des services de l’éducation nationale de mettre en œuvre des mesures nouvelles pour la classe de 6ème dès la rentrée 2023 « dans le cadre de la transformation du collège ».

Cette transformation du collège a-t-elle fait l’objet d’une présentation et d’une explication détaillées ? La réponse est non. Y a-t-il eu un débat avec les parties concernées ? La réponse est encore non. Y a-t-il à ce jour un consensus sur les difficultés à résoudre et les mesures proposées par le ministre ? Pas davantage. Cette « transformation » du collège a donc été décidée de manière unilatérale et se met en place en catimini, par petites touches, mais toujours avec brutalité.

Action & Démocratie/CFE-CGC dénonce avec constance un tel mode d’administration de l’éducation nationale. Année après année, on maintient le système éducatif sous tension par des transformations mal inspirées décidées sur un coin de table et on impose aux personnels des mesures qui, dans les faits, ne produisent aucun des effets escomptés et aggravent souvent les maux auxquels on prétendait remédier. Au Conseil supérieur de l’éducation et par un courrier officiel dont nous publierons la réponse, nous interpellons le ministre sur ce procédé inacceptable mais aussi sur les conséquences très graves de ses décisions précipitées (voir ci-dessous).

Tout d’abord s’agissant du procédé lui-même consistant à faire appliquer des textes qui n’existent pas encore, ce qui est stupéfiant dans un État de droit ! En effet, les mesures en question (mise en place d’une heure hebdomadaire de « consolidation ou d’approfondissement » en classe de 6ème en retirant aux élèves une heure de technologie ainsi que généralisation du dispositif « Devoirs faits ») n’avaient aucun fondement réglementaire au moment même où, le 21 janvier 2023, le ministère demandait à l’encadrement que ces « évolutions » soient mises en œuvre dans le cadre des travaux préparatoires à la rentrée 2023 ! Certes, les « travaux réglementaires » ont suivi et les textes ont finalement été présentés au Conseil supérieur de l’éducation le 24 avril où, une fois encore, ils ont reçu un avis défavorable dont le ministère avait d’une certaine façon annoncé à l’avance qu’il ne tiendrait aucun compte (voir notre déclaration et le compte rendu ci-après) !

Quant aux effets de ces mesures sur les services des professeurs de technologie, le ministère n’en a cure. Or il n’est pas permis de faire subir une telle insécurité juridique aux personnels en leur annonçant que leur spécialité sera renforcée (c’est-à-dire ne sera pas davantage massacrée) à partir de la rentrée 2024 au cycle 4 après les avoir mis en janvier face à des perspectives de complément de service, de remplacements, de régime sec en matière d’heures supplémentaires quand ce n’est pas de simple suppression d’emploi pour les contractuels. C’est pourquoi Action & Démocratie prendra une fois de plus ses responsabilités en saisissant le Conseil d’État pour faire suspendre l’arrêté qui supprime une heure de technologie en 6ème, et nous invitons naturellement tous ceux qui veulent s’y joindre à le faire avec nous.

Quant à l’intervention des professeurs des écoles au collège, étant donné qu’elle ne repose sur aucune base réglementaire comme nous l’avons écrit au ministre, nous incitons les intéressés à se montrer prudents, pour ne pas dire méfiants, vis-à-vis des sollicitations des IEN et nous étudions également en l’espèce les possibilités d’action juridique contre une mesure dépourvue de bon sens autant que de fondement réglementaire. 

Sur le fond, une énième transformation du collège se met en œuvre, par étape et à bas bruit, sans doute pour éviter les débats et polémiques qui ont accompagné la précédente ou le saccage du lycée. Mais là où il n’y a pas de débat, il n’y a pas de démocratie. Action & Démocratie réclame un débat sérieux sur tous les sujets, le collège y compris. La « primarisation » de la sixième n’est pas du tout une solution aux difficultés rencontrées au collège, lesquelles sont avant tout le résultat de politiques éducatives insensées et démagogiques qui détériorent les conditions de l’enseignement partout, et ce dès l’école primaire et maternelle. Aucun dispositif de « remédiation » ne peut remplacer les heures de cours supprimées ni ne peut compenser les difficultés de plus en plus lourdes liées à des classes surchargées, une politique d’inclusion qui fait fi de la réalité et cause des préjudices à tous, des programmes vidés de toute consistance, une perte de sens dans l’exercice du métier ressentie par tous les personnels à tous les niveaux qui s’ajoute à la dévalorisation matérielle et symbolique de leur métier. Pour Action & Démocratie, l’urgence est bien de reconstruire l’école en préservant d’abord et renforçant ce qui tient encore debout au lieu de s’employer avec rage ou ruse à l’abattre comme on le fait encore. Les ministres passent, les manières changent, mais l’orientation générale demeure et l’éducation n’est plus une priorité car non, décidément, on ne nous fera pas croire qu’on veut élever le niveau d’instruction en supprimant encore des heures de cours au profit d’heures de rien !

Nos interventions

Conseil supérieur de l’éducation – 24 mars 2023

Dans sa déclaration préalable, A&D dénonce l’application de mesures non publiées et renouvelle l’exigence de bon sens que soit inscrite dans le code de l’éducation la règle d’un délai de deux ans entre la publication et la mise en œuvre de tout texte portant modification de l’organisation et du contenu des enseignements.

Maintenir un enseignement de technologie en sixième

Position d’A&D, dossier documentaire, lettre au ministre. Non seulement il est insensé de supprimer des heures de cours en affirmant vouloir relever le niveau mais il est inepte d’affaiblir à notre époque un enseignement aussi indispensable que celui de technologie.